Le site maya de Toniná a été construit 12km à l’est de la ville d’Ocosingo. Il se trouve à 126 km au sud de Palenque.
Son nom signifie « maison de pierre » en Tzeltal.
Cependant, les études des inscriptions trouvées sur place ont permis de savoir que son nom original était Popo, ce qui signifie « blanc » en langue Mixe-Zoque.
La visite se résume pour ainsi dire à l’ascension d’une seule et unique pyramide. Mais quelle pyramide! Edifice complexe et imposant, culminant à 75 mètres de haut, elle a depuis peu été déclarée l’une des plus hautes pyramides de toute la méso-Amérique.
Comparable uniquement aux monuments de Tikal et de El Mirador, au Guatemala, la pyramide de Toniná surpasse même la célèbre Pyramide du Soleil de Teotihuacan qui, elle, ne mesure « que » 65 mètres.
Du parking, il faut marcher un peu avant d’atteindre l’entrée du site archéologique : c’est une balade vraiment agréable.
Nous sommes en territoire zapatiste, aucun doute ! Les magnifiques chevaux attendraient-ils leurs cavaliers masqués ?
Un grand jeu de pelote, en forme de « I » accueille le visiteur à l’entrée du site.
Il mesure 72,30 mètres de long au total, ce qui en fait l’un des plus grands du monde Maya.
La fouille de son allée centrale a permis de découvrir deux marqueurs, l’un au nord, l’autre au centre, comme on peut le voir sur la photo, en l’agrandissant. Sous les marqueurs, les archéologues ont découvert des caches circulaires contenant des lames d’obsidienne et des fragments de jade.
Outre les marqueurs de l’allée, le terrain contenait deux marqueurs à tenons au centre des murs latéraux, des fragments d’au moins trois stèles à inscriptions, une statue de captif agenouillé.
Les études ont permis de déterminer que les marqueurs étaient initialement des serpents soutenant la voûte céleste.
En 688, année de l’arrivée au pouvoir de la dynastie des « Crânes de Serpent – Griffes de Jaguar », ces marqueurs ont été détruits et remplacés par des sculptures représentant des captifs venant de Copan et de Palenque, les ennemis de Tonina. On pense qu’il y en avait au moins dix, et elles montrent toutes des personnes pieds et poings liés.
Ambitieux et belliqueux, les nouveaux souverains vinrent à bout de la puissance de Palenque.
Ce qu’on voit là ne sont bien entendu que des répliques des sculptures originales trouvées : elles ont été placées là par les archéologues fin 2010.
Ce jeu de pelote est particulier en ce sens qu’il a été construit « en creux » : les zones terminales ont été aménagées en escaliers permettant de descendre sur le terrain depuis la Gran Plaza.
La Gran Plaza est vaste, l’une des plus vastes en son genre et comporte plusieurs autres petites structures.
Sur cette photo prise depuis l’Acropole, on distingue bien, à côté du premier jeu de pelote (à gauche au fond), un autel dont on suppose qu’il a servi pour sacrifier les joueurs (les gagnants ou les perdants, on l’ignore).
Bien que cet endroit ait une longue histoire d’occupations antérieures, il est admis que le site a prospéré entre 600 et 900 après JC.
Le centre cérémoniel se compose d’ une grande montagne artificielle étagée en sept plateformes de pierres, sur lesquelles les occupants du lieu ont construit un immense labyrinthe de temples, de palais, de logements et d’unités administratives.
Il s’agit là d’une caractéristique sans autre exemple connu dans le monde Maya : une structure unique a été aménagée pour abriter les différentes fonctions de la vie sociale, politique, économique et religieuse.
L’Acropole est le monument emblématique de Tonina. Nous nous dirigeons vers le premier niveau.
Rodolfo nous fait entrer dans le Palais de l’Obscurité. Nous sommes au niveau de l’inframonde.
Ce fut un important centre cérémoniel où l’on venait déposer des offrandes.
C’est surtout un labyrinthe de passages sinueux et de tunnels qui se connecte à El Palacio, à un niveau supérieur, là où règne le supra-monde. Le passage par ce sanctuaire permettait d’arriver purifié au niveau réservé aux dirigeants et aux prêtres
El Palacio de las Grecas y de la Guerra (Palais des grecques et la guerre) se reconnait à sa bande de décor géométrique formant un zigzag en forme de X. Il est composé principalement de bâtiments entourant des patios. On y a découvert une salle de bains, qui fonctionnait avec l’eau de pluie, ainsi qu’un système de drainage.
Les chambres sont reliées entre elles par des passages et des tunnels. Quelques fragments de frises qui ornaient cet endroit ont survécu au temps.
L’accès à cette zone était restreint, il s’agissait du quartier général administratif de Tonina, accessible uniquement à la famille gouvernante et à quelques hauts personnages.
Un mur orné de glyphes, en bien meilleur état que celui-ci, a été mis à jour en 2010. Le texte – en bon état de conservation avec des glyphes stuqués finement modelés et ayant conservés la plupart de leurs pigments de couleur bleue et rouge – confirme que le Palais était le siège du pouvoir de K’inich B’aaknal Chaahk, le sixième et le plus puissant des quatorze gouverneurs de Tonina actuellement connus.
Malgré des années de fouille, Tonina n’a pas fini de livrer tous ses secrets, loin de là.
Les chercheurs confirment que la superficie du site est plus importante que les archéologues le ne soupçonnaient de prime abord. Les pyramides étaient reliée entre-elles grâce à des routes situées au somment de la colline artificielle, que des passages comme celui-ci permettaient d’atteindre.
Au deuxième étage, on aperçoit les habitations qui se succèdent avec des piliers qui devaient supporter un toit en matières périssables. Les objets trouvés ont permis aux archéologues de définir la fonction des unes et des autres.
Historiquement connu comme un royaume belliqueux, Tonina a joué un rôle important dans l’équilibre politique de la région. Il y eu de constants affrontements avec Palenque pour le contrôle des terres mayas de la région occidentale, entre les fleuves Grijalva et Usumacinta.
Il y a de nombreuses représentations de suppliciés à Tonina, et même un temple des captifs (templo des los cautivos).
Sur la pente vers la sixième plate-forme se trouve une des pièces les plus remarquables du site : la Fresque des Quatre Epoques (Mural de las Quatro Eras), large de 16m et haut de 3.50m, est l’objet de toutes les attentions de la part des scientifiques. C’est une sorte de codex en stuc qui raconte l’histoire de l’Univers depuis sa fondation, au travers du mythe des Quatre Soleils, à savoir les quatre époques cosmogoniques vécues par le monde : le premier est celui du soleil, le second correspondau serpent bicéphale, le troisième est celui des hommes.
Ce compte long s’achevant en décembre 2012, une quatrième époque, celle des Quatre lunes, commencerait alors.
Le bas-relief est divisé en quatre sections , elles-mêmes divisées en quatre triangles. Une tête humaine décapitée a été placée au centre, précisément au point de rencontre des bandes. Le sang qui jaillit du cou lui fait un anneau de plumes mais symbolise en même temps un soleil, le Soleil de l’ère qui est décrite.
La surface de la fresque a été minutieusement nettoyée puis de la chaux a été injectée : voici une partie restaurée qui permet de juger du travail remarquable des spécialistes.
Des travaux de consolidation ont aussi été entrepris pour éviter que le relief se morcèle et tombe de son support.
Regardez bien la représentation du dieu de la mort tenant dans ses mains une tête décapitée : il s’agit de celle de Kan-Xull II, seigneur de Palenque, fait prisonnier et sacrifié vers 720.
Début 2010, une trouvaille majeure a été faite : une sépulture a été découverte par accident dans une anomalie de la cinquième plateforme de l’Acropole de Tonina. Le sarcophage mesure 2 mètres de long pour 70 centimètres de large. Une pierre de mêmes dimensions et de 15 centimètres de hauteur couvrait le sarcophage.
Certains spécialistes de l’INAH n’hésitent pas à voir dans cette découverte un moyen d’expliquer la chute des royaumes mayas des Hautes Terres, étant donné que sa datation remonte à cette époque, entre 840 et 900 de notre ère. Un parallèle audacieux a également été fait avec la tombe de la Reine Rouge de Palenque au début des années 1990, étant donné ses dimensions et l’absence complète de données épigraphiques.
Le sarcophage a révélé plusieurs informations curieuses. D’abord il y a les restes d’un individu de haut rang, probablement une femme ou un enfant. Des études de médecine légale seront menées pour déterminer le sexe de cet individu et sa filiation ethnique.
Mais certains os ont été retrouvés hors du sarcophage. Cela sous-entend une altération postérieure de la tombe. Une céramique globulaire datée du XVe siècle permet de supposer que le site a été réoccupé ultérieurement.
Pour éviter tout pillage, le sarcophage est bien protégé.
Il est néanmoins très facile de contempler la tombe de près.
D’autres tombes ont été découvertes et vidées de leur contenu (que l’on peut admirer au musée du site)
Sur la sixième plate-forme, nous sommes au niveau de la résidence des souverains de Tonina.
Parmi les quatre temples construits ici, nous pouvons admirer les vestiges du Temple du Monstre de la Terre, facilement reconnaissable à sa crête faitière.
Ce temple est orienté selon les solstices.
L’autel représente le Monstre de la Terre, dévorant une sphère solaire en pierre .
Sur la 7e et dernière plateforme s’élève le Templo del Espejo Humeante (le Temple du Miroir Fumant).
Les habitants de Tonina pensaient q »ils vivaient à l’époque du 4e Soleil, celui de l’hiver, des miroirs, du Nord et de la fin de l’Humanité.
Sous cette ère, le souverain Zots-Choj se devait d’ériger en direction du Nord un temple dépassant tous les autres. Cela a exigé une grande extension vers le Nord-Est de la colline artificielle.
De là-haut, la vue est grandiose sur tout le site de Tonina, lové dans son écrin de verdure, à l’écart des principaux circuits touristiques.
On peut y goûter le plaisir ineffable d’une relative solitude et gravir, loin de la foule, les sept terrasses sous l’œil vigilant de quelques vautours noirs.
La photo prise depuis la 7e terrasse nous permet d’admirer le site qui s’étend à nos pieds mais aussi la verdoyante vallée d’Ocosingo.
En imaginant ces souverains assoiffés de pouvoir, debout à ce même endroit mille ans auparavant, je pense à ces vers attribués à Omar Khayyâm
« Avant notre venue, rien ne manquait au monde.
Après notre départ, rien ne lui manquera. »
Si toutes les petites mains qui ont travaillé à la splendeur de ce site n’ont effectivement laissé aucune trace d’eux-mêmes, ils ont cependant tous oeuvrés pour que l’humanité se souvienne au moins de ses dirigeants. Mais il faut constamment lutter contre la nature qui veut reprendre ses droits.
Et c’est une petite troupe, armée de machettes, de balais, qui s’affaire quotidiennement à nettoyer les monuments mis à jour.
Tandis que Pascal sympatise avec les femmes, Rodolfo, lui, va fumer une cigarette à l’écart, chez les hommes qui se sont regroupés dans une hutte de fortune.
Regardez bien : Coca-Cola est arrivé jusqu’ici ! Et Rodolfo nous reviendra avec une canette de Coca à la main.
En redescendant, nous passons devant une grande stèle du VIe siècle représentant le souverain B’alam Ya Acal (connu aussi sous le nom de Zots Choj).
La statue mesure 1,20m de haut.
Les souverains portent un manteau long, tiennent la barre cérémonielle ou, comme ici, laissent reposer leurs mains sur la ceinture.
Leur coiffure consiste en un étagement de masques.
Les glyphes qui recouvrent la stèle racontent l’accession au trône du souverain, en 568.
En 909, Tonina célèbre la gloire de son roi : c’est la stèle la plus récente qu’on ait trouvée à ce jour.
« Peu de temps après, la cité et sa dynastie sont victimes d’un raid particulièrement violent. Les envahisseurs s’emparent de la cité, arrachent les statues de leurs socles, martèlent les visages des dirigeants. La bataille est rude, mais probablement brève. Les habitants de Tonina, l’élite de la cité, sont massacrés, leurs corps entassés dans un charnier, récemment découverts. Qui sont les vainqueurs ? On l’ignore, car ils ne laissent guère de trace de leur passage. (…) La dynastie a péri, la cité ne se relève pas. Tonina, dernière cité classique, vient de disparaitre à son tour » (Les Mayas, Eric Taladoire. Ed Chêne)
D’autres êtres vivants profitent des vieilles pierres maintenant…
… indifférents aux problèmes des humains
Il est temps de prendre congé de ce site magnifique, impressionnant, calme et surtout situé au cœur d’une campagne superbe…
Bonjour à vous,
Tout d’abord un grand merci pour tous ces éclairages passionnants.
J’ai visité le site en 2006 et je m’aperçois au travers de ce super reportage que les fouilles du site ont beaucoup progressé depuis.
Cela me donne envie d’y retourner dès que cela me sera possible.
Bonjour Dominique,
Nous sommes ravis d’apprendre que notre reportage vous a donné envie d’y retourner. Le site le mérite assurément, en particulier si vous avez la chance d’être accompagné par un guide compétent. Ce fut heureusement notre cas cette fois-là !
Nous qui pensions bien connaître Palenque, par exemple, avons été stupéfaits par tout ce que ce guide a pu nous apporter comme éclairage nouveau !
Il est ra